
Seuils de TVA : ce que la décision des députés va changer pour les auto-entrepreneurs
Une réforme mal calibrée qui visait les micro-entrepreneurs
Le gouvernement avait fait adopter discrètement, en fin d’année 2023, un amendement visant à abaisser les seuils de franchise de TVA pour les auto-entrepreneurs. Une décision qui aurait pu paraître technique mais qui, dans les faits, remettait en cause l’un des piliers du régime simplifié : permettre à de petits indépendants de facturer sans appliquer la TVA, tant qu’ils restaient sous un certain seuil de chiffre d’affaires (36 800 euros pour les prestations de service, 91 900 euros pour les ventes).
La réforme entendait faire tomber ces seuils au niveau des plafonds d’éligibilité du régime micro lui-même (respectivement 27 000 € et 77 000 €), rendant automatiquement assujettis à la TVA des milliers d’auto-entrepreneurs qui, jusqu’alors, en étaient dispensés. Le but ? Augmenter les recettes fiscales en élargissant l’assiette de perception de la TVA.
Mais la mesure a été perçue comme un traquenard fiscal : beaucoup d’auto-entrepreneurs n’avaient pas anticipé l’entrée en vigueur de cette réforme, souvent peu médiatisée. Résultat, de nombreux professionnels risquaient un redressement fiscal rétroactif, pour avoir émis des factures sans TVA en 2024, alors qu’ils y étaient désormais assujettis.
Une mobilisation rapide et massive contre un piège fiscal
Dès janvier 2024, les fédérations professionnelles, collectifs d’indépendants et plateformes de freelances ont alerté sur les effets pervers de cette réforme. Le Collectif des auto-entrepreneurs en colère a lancé une pétition qui a rapidement dépassé les 80 000 signatures. Sur les réseaux sociaux, des témoignages ont afflué : prestataires piégés, artisans désorientés, freelances confrontés à des clients refusant de payer la TVA.
Face à la pression, plusieurs élus de tous bords ont été interpellés dans leurs circonscriptions. La crainte d’un effet dévastateur sur l’activité d’une partie de l’économie de proximité a renforcé la contestation.
La grogne a atteint un point culminant lorsque des manifestations ont été organisées devant l’Assemblée nationale, réunissant des indépendants issus de nombreux secteurs : coachs sportifs, artisans, graphistes, thérapeutes, commerçants ambulants… Tous dénonçaient une mesure prise sans concertation, et vécue comme une attaque déguisée contre leur modèle économique.
Un vote sans ambiguïté : les députés tranchent en faveur des indépendants
Après plusieurs semaines de contestation, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité l’abrogation de la réforme sur la TVA pour les auto-entrepreneurs, le 30 mai 2024. Ce vote est intervenu dans le cadre de la proposition de loi de simplification de la vie économique.
La suppression de l’article 11 bis du texte, qui introduisait la réforme, a été adoptée sans aucune voix contre, preuve d’un consensus politique rare. Tous les groupes parlementaires, y compris la majorité présidentielle, ont reconnu les effets néfastes et la mauvaise préparation de la mesure initiale.
La rapporteure du texte a admis que la réforme avait été mal comprise et mal anticipée, en particulier en raison de l’absence de communication auprès des auto-entrepreneurs. Plusieurs députés ont souligné qu’il était inacceptable de créer un risque de redressement fiscal sur des professionnels mal informés, tout en rappelant le poids que représente cette catégorie dans l’économie locale et nationale.
Dans l’hémicycle, le terme de « réforme toxique » est revenu à plusieurs reprises, témoignant de l’ampleur du rejet de la mesure.
Un soulagement temporaire et de nombreuses questions en suspens
Si les auto-entrepreneurs ont remporté une victoire incontestable, les incertitudes demeurent. Plusieurs responsables politiques ont laissé entendre qu’un réexamen du régime de TVA pourrait revenir sur la table, mais cette fois dans le cadre d’une concertation élargie.
La direction générale des finances publiques a également indiqué vouloir travailler sur des mécanismes plus clairs pour assurer une meilleure information des indépendants. Pour l’heure, aucun redressement ne sera engagé rétroactivement, mais le gouvernement devra encore s’expliquer sur la gestion du dispositif initial.
Cette séquence a renforcé l’idée que les auto-entrepreneurs restent une population fragile et peu protégée, souvent prise de court par des changements réglementaires mal communiqués. Si la réforme a été enterrée, le débat de fond sur la fiscalité des indépendants ne fait que commencer.
En résumé :
- La réforme abaissant les seuils de TVA pour les auto-entrepreneurs a été abrogée à l’unanimité.
- Elle aurait pu provoquer des redressements fiscaux rétroactifs pour des milliers d’indépendants.
- Les collectifs d’auto-entrepreneurs ont joué un rôle décisif dans la mobilisation.
- Le gouvernement reconnaît une mauvaise communication et une réforme précipitée.
- Une future réforme pourrait revenir, mais avec une concertation plus large.