Arrêt maladie durant vos congés payés ? Vous avez désormais le droit de les reporter d'après la cour de cassation
Sommaire
- Ce que dit la décision
- Une mise en conformité avec l’Europe
- Ce qui change pour les salariés
- Conséquences pour les employeurs
- Une réforme attendue
- Les zones d’ombre à clarifier
- Les conseils pratiques pour les salariés
- Les conseils pour les employeurs
- Encadré – RC Pro : un outil pour limiter les risques juridiques des employeurs
- Une avancée sociale saluée
- En résumé
C’est une décision qui change concrètement la vie des salariés français. Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a rendu un arrêt majeur : désormais, un salarié qui tombe malade pendant ses congés payés peut reporter les jours de vacances qu’il n’a pas pu réellement prendre. Jusqu’ici, le Code du travail ne prévoyait pas cette possibilité, sauf rares exceptions prévues par des conventions collectives. La France s’aligne ainsi sur le droit européen, après plusieurs années de divergences.
Une avancée sociale qui va renforcer la protection des travailleurs, mais qui pose aussi de nouveaux défis d’organisation pour les entreprises.
Ce que dit la décision
L’arrêt du 10 septembre 2025 (n°23-22.732) est sans ambiguïté :
« Le salarié en arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant ses congés annuels payés a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé coïncidant avec la période d’arrêt. »
En clair, si un salarié est en vacances et qu’un médecin constate une incapacité de travail, ces journées sont requalifiées en arrêt maladie et ne sont donc plus décomptées de ses congés payés. Le salarié pourra les poser à une autre période.
Ce revirement de jurisprudence met fin à une situation paradoxale : jusqu’ici, un salarié qui tombait malade avant ses congés bénéficiait déjà d’un report, mais pas celui dont l’arrêt survenait pendant les vacances. Une différence qui ne résistait plus à la comparaison avec le droit européen.
Une mise en conformité avec l’Europe
Depuis 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait posé une règle claire : les congés payés et le congé maladie poursuivent des objectifs différents.
- Les congés payés visent à permettre au salarié de se reposer, se détendre et profiter de loisirs.
- Le congé maladie, lui, a pour but de se rétablir d’un problème de santé.
La CJUE considère donc qu’un salarié malade pendant ses congés n’en a pas réellement profité et doit pouvoir les prendre plus tard. Plusieurs pays européens appliquaient déjà cette règle. La France, elle, résistait, malgré les rappels de Bruxelles.
En juin 2025, la Commission européenne avait même adressé une mise en demeure officielle à la France, estimant que sa législation n’était pas conforme à la directive européenne sur le temps de travail (2003/88/CE). L’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre permet donc d’éviter une condamnation imminente devant la CJUE.
Ce qui change pour les salariés
Pour les travailleurs, cette évolution représente un droit nouveau et concret.
Désormais :
- En cas de maladie pendant des vacances, le salarié doit consulter un médecin et obtenir un arrêt de travail couvrant la période.
- Il doit notifier l’arrêt à son employeur le plus rapidement possible, comme pour tout arrêt maladie classique.
- Les jours concernés seront transformés en arrêt maladie et reportés ultérieurement dans son compteur de congés payés.
Exemple concret
Un salarié prend deux semaines de congés en août. Après trois jours, il contracte une gastro-entérite et obtient un arrêt maladie de 5 jours. Résultat : ces cinq jours ne sont pas décomptés de son solde de congés payés. Il pourra donc les poser plus tard dans l’année.
Pour bénéficier de ce droit, la preuve médicale et la notification à l’employeur sont indispensables. Sans ces justificatifs, l’entreprise n’est pas tenue d’accorder le report.
Conséquences pour les employeurs
Pour les entreprises, cette décision implique de nouvelles règles de gestion. Les directions des ressources humaines vont devoir adapter :
- Le suivi des absences : distinguer précisément les jours réellement pris en congés et ceux couverts par un arrêt maladie.
- Les plannings : anticiper des reports de congés parfois imprévus, ce qui peut perturber l’organisation, surtout dans les petites structures.
- La communication interne : informer les salariés de leurs droits pour éviter des contentieux.
Selon l’avocat en droit du travail Éric Rocheblave, cité par plusieurs médias spécialisés, cette décision est à la fois une « victoire symbolique » et une réalité pratique : « Désormais, les jours de congés ne disparaissent plus si le salarié tombe malade. Mais pour les employeurs, il faudra ajuster la gestion des plannings. »
En cas de litige, les juges devraient systématiquement donner raison au salarié, puisque la Cour de cassation a tranché et que le droit européen prime. Pour les entreprises, ignorer cette règle reviendrait à prendre un risque juridique certain.
Une réforme attendue
Cette évolution ne sort pas de nulle part. En avril 2024, la loi dite DDADUE avait déjà prévu la possibilité de reporter les congés acquis pendant un arrêt maladie. Mais la question des congés interrompus par une maladie restait en suspens.
La Commission européenne, estimant la France en infraction, avait lancé une procédure en juin 2025. L’arrêt du 10 septembre permet donc d’éviter un affrontement juridique avec Bruxelles. Mais il oblige désormais le législateur français à adapter le Code du travail, qui reste pour l’instant muet sur ce cas précis.
Les zones d’ombre à clarifier
Si la décision est claire sur le principe, plusieurs questions pratiques restent ouvertes :
- Que se passe-t-il si le salarié est malade à l’étranger ? Obtenir un arrêt médical local peut être plus compliqué, et l’employeur devra vérifier sa validité en France.
- Quid des jours de carence ? Les salariés malades hésiteront-ils à déclarer leur arrêt s’ils savent qu’ils perdent une partie de leur rémunération ?
- Combien de temps peut-on reporter ? Le droit européen impose que les congés soient pris, mais sans fixer de délai uniforme. En France, il faudra que le législateur précise si le report doit être limité dans le temps (par exemple jusqu’à l’année suivante).
Ces points devraient être précisés dans les prochains mois, soit par la loi, soit par la pratique jurisprudentielle.
Les conseils pratiques pour les salariés
Pour faire valoir ce nouveau droit, un salarié doit être vigilant. Voici les bonnes pratiques recommandées par les spécialistes :
- Consulter un médecin dès l’apparition des symptômes pendant les congés et obtenir un certificat médical couvrant la période.
- Notifier rapidement l’employeur (idéalement sous 48h) en envoyant l’arrêt maladie.
- Faire une demande écrite de report des jours de congés concernés (par mail ou courrier recommandé avec accusé de réception).
- Conserver toutes les preuves (arrêt médical, mails, accusés de réception) pour se prémunir en cas de contestation.
Les conseils pour les employeurs
De leur côté, les entreprises ont intérêt à :
- Mettre à jour leurs procédures internes pour intégrer cette nouvelle règle.
- Informer les salariés officiellement de leur droit, afin d’éviter des litiges liés à un manque de communication.
- Prévoir une marge d’adaptation dans les plannings pour absorber d’éventuels reports.
- Former les managers et RH sur ce sujet pour qu’ils appliquent correctement la jurisprudence.
Certains cabinets d’avocats recommandent même aux employeurs de reporter d’office les congés concernés, afin d’éviter d’éventuelles condamnations pour manquement.
Encadré – RC Pro : un outil pour limiter les risques juridiques des employeurs
Avec cette nouvelle règle, la gestion des congés devient plus complexe. Les erreurs ou refus injustifiés pourraient se traduire par des litiges coûteux pour les entreprises.
C’est dans ce contexte que l’assurance responsabilité civile professionnelle (RC Pro) peut jouer un rôle protecteur. Elle couvre les conséquences financières d’une mise en cause liée à une erreur de gestion, un manquement contractuel ou une faute administrative.
Concrètement, si une entreprise est attaquée par un salarié estimant que ses droits n’ont pas été respectés, la RC Pro peut prendre en charge :
- Les frais de défense devant les juridictions,
- Une éventuelle indemnisation du salarié,
- Ainsi que certains frais liés à la gestion du contentieux.
- Dans un environnement où le droit du travail évolue rapidement, disposer d’une telle couverture permet aux employeurs de se prémunir contre les conséquences financières imprévues.
Une avancée sociale saluée
Pour les syndicats et défenseurs des droits des salariés, cette décision est une avancée sociale majeure. Elle garantit que le droit au repos, considéré comme une pierre angulaire du droit du travail, ne soit pas vidé de son sens.
Elle corrige également une inégalité entre les salariés européens : jusqu’ici, un travailleur espagnol ou allemand pouvait déjà récupérer ses congés en cas de maladie, mais pas son homologue français.
Enfin, elle répond à une attente forte : selon plusieurs enquêtes, près d’un salarié sur trois a déjà connu une maladie ou un problème de santé durant ses vacances au cours de sa carrière.
En résumé
Depuis le 10 septembre 2025, un salarié malade pendant ses congés payés a le droit de reporter ses jours de vacances.
- Cette décision aligne la France sur le droit européen et fait suite à une mise en demeure de la Commission européenne.
- Les salariés doivent fournir un arrêt maladie et notifier leur employeur pour bénéficier du report.
- Les entreprises doivent adapter leurs procédures, au risque de voir leur responsabilité engagée.
Cette évolution marque une nouvelle étape dans la protection sociale en France. Elle rappelle que le droit au repos reste une valeur essentielle, distincte du droit à la santé, et désormais pleinement garantie par la plus haute juridiction française.