Plus de 31 000 chefs d’entreprise ont perdu leur emploi en 6 mois : les chiffres 2025
31 260 chefs d’entreprise ont cessé leur activité au premier semestre 2025, selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs publié par l’association GSC et la société Altares. Ce chiffre, en hausse de 4,3 % par rapport à la même période en 2024, reste à un niveau élevé, illustrant la fragilité persistante du tissu entrepreneurial français. Concrètement, plus de 170 dirigeants ont perdu leur emploi chaque jour entre janvier et juin.
Une hausse modérée mais toujours préoccupante
Après une forte progression des défaillances d’entreprises en 2024, le premier semestre 2025 montre une hausse moins brutale, mais qui traduit encore un climat économique fragile.
« Attention aux faux-semblants : si les pertes d’emploi semblent ralentir, elles se maintiennent à des niveaux préoccupants », prévient Hervé Kermarrec, président de l’association GSC. Selon lui, les trésoreries des entreprises restent sous pression, les consommateurs demeurent prudents, et les tensions sur certains marchés continuent de fragiliser les dirigeants.
Pour Thierry Millon, directeur des études Altares, la tendance est claire : « Le premier semestre 2025 a confirmé nos inquiétudes avec un nombre historique de liquidations judiciaires et donc un niveau très élevé de pertes d’emploi de dirigeants. Quelques signaux positifs apparaissent, mais ils devraient être insuffisants pour inverser la tendance d’ici la fin de l’année. »
Les petites entreprises en première ligne
Sans surprise, ce sont les petites structures qui paient le plus lourd tribut. Les entreprises de moins de cinq salariés concentrent plus de huit pertes d’emploi sur dix, soit 26 313 dirigeants concernés. Les TPE de 6 à 9 salariés connaissent elles aussi une progression notable des cessations d’activité (+17,2 %).
Les dirigeants de PME et d’ETI, historiquement plus résistants, commencent également à être touchés. Les pertes d’emploi progressent fortement parmi les chefs d’entreprise réalisant plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les structures de plus de 50 salariés, en revanche, affichent une légère amélioration (-2,4 %).
Cette évolution illustre un phénomène inquiétant : des entreprises plus établies et plus expérimentées vacillent à leur tour, après une décennie d’activité en moyenne.
Statuts juridiques : les SAS en forte hausse
Les dirigeants de SAS (sociétés par actions simplifiées) représentent à eux seuls près de la moitié des pertes d’emploi : 14 388 chefs d’entreprise, soit une progression de +8,7 % en un an. Les entrepreneurs de SARL sont un peu moins touchés (-2 %), mais leur poids reste élevé avec 12 023 pertes d’activité.
Les artisans et commerçants, confrontés à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat, connaissent une forte dégradation (+16,6 %).
Quant aux professions libérales, notamment dans le domaine judiciaire, elles affichent la plus forte hausse : +56,2 %.
Le profil des dirigeants touchés
L’âge médian des entrepreneurs ayant perdu leur emploi est de 46 ans. Les 41-50 ans sont les plus nombreux (8 448). Mais la progression la plus marquée concerne les plus de 60 ans : 4 229 pertes d’emploi, soit +20,9 %, un rythme cinq fois supérieur à la moyenne.
Les jeunes dirigeants de moins de 26 ans apparaissent davantage épargnés, avec un recul de -8,2 %.
Les secteurs en difficulté
Deux secteurs concentrent près de la moitié des pertes d’emploi :
- Construction : 7 745 chefs d’entreprise concernés (+1 %). Les travaux de maçonnerie et le gros œuvre figurent parmi les activités les plus impactées (1 645 dirigeants).
- Commerce : 6 464 pertes d’emploi (+0,1 %), dont 622 dans la vente de voitures et véhicules légers (+12,7 %).
D’autres secteurs enregistrent une forte hausse :
- Hébergement et restauration : 4 164 dirigeants (+11,5 %), dont plus de 40 % dans la restauration traditionnelle.
- Transport et logistique : 1 450 pertes d’activité (+11,9 %), en particulier dans le fret de proximité (525) et les taxis (355).
- Services aux entreprises : 4 199 pertes d’emploi (+13 %), notamment dans le conseil en affaires.
- Information et communication : 1 033 dirigeants concernés (+14,1 %), surtout dans les services informatiques.
- Industrie : 1 905 pertes d’activité (+4,4 %).
En revanche, certains secteurs s’en sortent mieux : les activités financières et d’assurance reculent de -7,6 %, apportant un signal positif.
Des disparités régionales marquées
- Île-de-France : première région touchée, avec 7 507 dirigeants concernés (+4 %).
- Auvergne-Rhône-Alpes : 3 623 pertes d’emploi (+4,9 %).
- Nouvelle-Aquitaine : la situation est particulièrement tendue, avec 2 754 pertes d’activité (+18 %).
- Hauts-de-France, Pays de la Loire et Normandie : hausses supérieures à la moyenne nationale (+6,2 %, +5,9 %, +5,1 %).
À l’inverse, certaines régions résistent mieux :
- Bourgogne-Franche-Comté (-1,4 %), PACA (-0,8 %) et Grand Est (-0,2 %) affichent un recul des pertes d’emploi.
- La Bretagne limite la casse (+0,7 %), notamment grâce à de bons résultats dans l’assurance et les activités financières.
Perspectives pour le second semestre
Si quelques signaux positifs apparaissent (stabilisation dans la construction, résistance de l’immobilier, recul dans certains services financiers), les experts restent prudents.
« Les prochains mois seront décisifs », souligne Thierry Millon. L’instabilité économique, la pression sur les trésoreries et les incertitudes politiques devraient continuer à peser sur les entreprises.
Encadré pratique : quels filets de sécurité pour les dirigeants ?
La perte d’activité d’un chef d’entreprise est souvent brutale et peu anticipée. Plusieurs dispositifs existent pour limiter l’impact :
- L’assurance perte d’emploi des dirigeants (GSC) : elle permet, sous conditions, de percevoir une indemnisation en cas de liquidation, comparable à une allocation chômage.
- Les dispositifs régionaux d’accompagnement : certaines régions proposent des aides au rebond entrepreneurial ou à la reconversion.
- Les associations et réseaux d’entraide (Rebond 35, Second Souffle, 60 000 rebonds) accompagnent les dirigeants dans leur reconstruction professionnelle.
- Anticiper la trésorerie : en période de tension, il est recommandé de suivre de près ses flux de trésorerie, d’identifier les signaux faibles (retards de paiement, marges en baisse) et de se rapprocher tôt des partenaires bancaires.
Avec plus de 31 000 pertes d’emploi au premier semestre 2025, l’emploi des dirigeants reste sous forte tension. Si les petites entreprises sont les plus touchées, des structures plus établies et des dirigeants expérimentés vacillent désormais. Les prochains mois diront si la légère accalmie observée dans certains secteurs pourra se transformer en véritable inversion de tendance.