RC Pro et Prescription

Professionnels : comment prolonger légalement le délai de prescription en cas de litige en matière de RC Pro ?

Publié le 25/10/2025 11:00 | Mis à jour le 25/10/2025 11:00 | 5 min de lecture

La prescription détermine la période pendant laquelle un professionnel peut être poursuivi ou indemnisé après un dommage. Une fois ce délai écoulé, les actions ne peuvent plus être engagées : le droit s’éteint.

En matière de responsabilité civile professionnelle (RC Pro), bien comprendre la prescription permet de protéger ses droits et d’éviter la forclusion, c’est-à-dire la perte du droit d’agir en justice.

 

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1. Le principe : un délai de cinq ans

L’article 2224 du Code civil prévoit un délai de prescription de cinq ans (à l'exception des dommages corporels dont la durée de prescription est de dix ans) à compter du jour où la victime a eu connaissance du dommage ou aurait dû en avoir connaissance.

Cela signifie que le délai ne commence pas forcément à la date de la faute, mais au moment où le préjudice se manifeste réellement.

Exemple : un technicien informatique peut être tenu responsable plusieurs années après l’installation si un dysfonctionnement critique du matériel ou du logiciel survient bien après la livraison.

 

2. Interruption et suspension : deux effets très différents

La prescription peut être interrompue ou suspendue selon les situations. Ces deux mécanismes ont des conséquences distinctes.

L’interruption : le délai recommence à zéro

Lorsqu’un acte interruptif intervient, le délai déjà écoulé est effacé et un nouveau délai complet de cinq ans repart.

Sont notamment considérés comme interruptifs :

  • La reconnaissance du droit ou de la dette par le débiteur ;
  • La demande en justice, même en référé ;
  • La désignation d’un expert judiciaire ou d’une mesure d’instruction ;
  • Un acte d’exécution forcée (comme une saisie).

Pendant toute la durée d’une instance judiciaire, le délai de prescription est suspendu, puis redémarre à la fin du procès.

La suspension : une simple pause

La suspension arrête temporairement le cours du délai, mais n’efface pas le temps déjà passé.
À la fin de la période de suspension, le délai reprend là où il s’était arrêté.

Elle s’applique notamment en cas de :

  • Médiation ou conciliation,
  • Force majeure,
  • Incapacité juridique empêchant d’agir.

En résumé :

  • L’interruption remet le délai à zéro.
  • La suspension le met simplement en pause.

 

3. La mise en demeure : un réflexe utile, mais pas toujours suffisant

En RC Pro, la mise en demeure sert souvent à formaliser une réclamation avant d’engager une procédure.
Mais contrairement à une idée répandue, elle n’interrompt pas automatiquement la prescription.

La Cour de cassation (18 octobre 2023) a rappelé que, même envoyée en lettre recommandée avec accusé de réception, une mise en demeure ne suspend ni n’interrompt la prescription — sauf si le contrat prévoit expressément l’inverse (article 2254 du Code civil).

Elle reste toutefois importante car elle :

  • Fait courir les intérêts de retard,
  • Prouve une tentative amiable,
  • Et prépare une action en justice.

En pratique, seule une action judiciaire ou une reconnaissance écrite de dette peut interrompre efficacement le délai.

 

4. Clauses résolutoires et clauses limitatives : attention à leur validité

Les contrats d’assurance RC Pro contiennent souvent des clauses résolutoires ou limitatives de garantie.
Leur validité est encadrée par la jurisprudence :

  • Une clause résolutoire doit être claire et précise quant aux obligations visées. Les clauses générales, dites “balais”, peuvent être annulées (Cour d’appel de Paris, 31 mai 2024).
  • Une clause limitative ne peut pas vider la garantie de sa substance, par exemple en excluant les coûts essentiels à la réparation (Cour de cassation, 14 mai 2020).
  • Une clause déséquilibrée ou abusive peut être déclarée nulle (article 1171 du Code civil).

Ces décisions rappellent qu’un contrat RC Pro doit rester équilibré et transparent, sous peine d’être partiellement invalidé. 

 

5. Bonnes pratiques pour les professionnels

Pour limiter les risques et gérer correctement la prescription, les professionnels peuvent :

  • Conserver les documents essentiels : contrats, factures, rapports techniques, emails ou comptes rendus d’interventions.
  • Déclarer rapidement tout incident auprès de leur assureur RC Pro pour activer la couverture.
  • Suivre les délais légaux : savoir que la prescription en RCP est généralement de cinq ans selon l’article 2224 du Code civil.
  • Se préparer à l’interruption ou suspension : certaines actions, comme la reconnaissance d’un problème ou la saisine d’un expert, peuvent interrompre la prescription et prolonger le délai pour agir.

En pratique, ces mesures permettent de préserver les droits des victimes tout en sécurisant la situation juridique du professionnel, même si un dommage apparaît longtemps après l’intervention.

 

À retenir

  • Le délai de prescription en RC Pro est de cinq ans.
  • Une interruption redémarre le délai à zéro ; une suspension le met simplement en pause.
  • La mise en demeure seule n’interrompt pas la prescription, sauf clause contraire.
  • Le point de départ peut varier selon la découverte du dommage ou la fin de la mission.
  • Agir rapidement et conserver les preuves reste le meilleur moyen de protéger ses droits.

En maîtrisant la prescription, les interruptions et suspensions, ainsi que les clauses contractuelles, les professionnels peuvent prévenir les litiges et sécuriser leur couverture RC Pro, tout en garantissant une relation fiable et claire avec leurs clients.