Pourquoi les femmes choisissent de plus en plus l’auto-entrepreneuriat en France

Pourquoi les femmes choisissent de plus en plus l’auto-entrepreneuriat en France

Publié le 31/08/2025 11:00 | Mis à jour le 11/09/2025 14:48 | 5 min de lecture

Les femmes et l’auto-entrepreneuriat : une dynamique en pleine mutation

L’auto-entrepreneuriat séduit un nombre croissant de femmes en France. En 2022, plus de 309 000 entreprises ont été créées par des femmes sous le régime de la micro-entreprise, représentant 43,7 % des créateurs d’entreprise. Cette dynamique se confirme en 2023 et 2024. Pourtant, si les chiffres témoignent d’un engouement réel, ils masquent aussi des freins structurels persistants. Qui sont ces femmes qui entreprennent ? Quels secteurs investissent-elles ? À quels obstacles se heurtent-elles ?

Un profil d’entrepreneure qui évolue

La femme auto-entrepreneure type a environ 42 ans. Elle est souvent pluriactive : près d’un tiers cumule cette activité avec un emploi salarié. Ce choix traduit une recherche d’autonomie mais aussi de sécurité financière.

Le revenu annuel moyen reste faible. En 2022, il s’élevait à environ 6 600 €, soit près de 20 % de moins que celui des hommes. L’écart s’explique en partie par la répartition sectorielle des activités.

Des secteurs très genrés

Les femmes sont surreprésentées dans les services à la personne, le bien-être, la santé ou encore le commerce de détail non alimentaire. Ces secteurs ont pour point commun d’être historiquement féminisés, peu capitalistiques et orientés vers le relationnel.

Elles restent minoritaires dans le BTP, l’ingénierie, le numérique ou l’industrie, qui offrent souvent des marges plus confortables. Le déséquilibre est notable : le commerce de détail non alimentaire regroupe 48,9 % de femmes auto-entrepreneures, tandis que le BTP en compte très peu.

Les motivations : sens, liberté et équilibre

Les motivations des femmes pour se lancer sont claires et récurrentes :

  • L’autonomie : la possibilité de gérer son temps et ses projets.
  • L’épanouissement personnel : donner du sens à sa vie professionnelle.
  • Le complément de revenu : arrondir ses fins de mois ou anticiper une reconversion.

Ces motivations sont similaires à celles des hommes, mais les femmes attachent plus d’importance à la cohérence entre leurs valeurs personnelles et leur activité professionnelle.

Les défis persistants de l’entrepreneuriat féminin

Des revenus inférieurs et un accès limité au financement

En 2021, le revenu moyen des auto-entrepreneures est inférieur de 18,6 % à celui des hommes. Dans l’entrepreneuriat classique, l’écart est encore plus marqué : 9 300 € de différence annuelle en moyenne pour les indépendants.

Le financement constitue un frein majeur. Les banques ont deux fois plus de chances de refuser un prêt à une femme. Cette inégalité est accentuée par la tendance des femmes à présenter des plans de financement plus modestes et à solliciter des montants inférieurs.

Des dispositifs existent, comme la garantie ÉGALITÉ Femmes (jusqu’à 80 % du prêt couvert), les prêts d’honneur sans garantie ou les microcrédits. Mais leur accès reste parfois méconnu ou limité.

Une charge mentale et familiale toujours déséquilibrée

La gestion simultanée de l’activité professionnelle, de la vie de famille et des tâches domestiques pèse fortement sur les auto-entrepreneures. 15 % des femmes cessent leur activité en raison d’un changement de situation personnelle, contre 8 % des hommes.

Cette charge mentale limite leur temps disponible pour développer leur entreprise et affecte directement leur chiffre d’affaires.

Un manque de confiance et un syndrome de l’imposteur fréquent

25 % des femmes citent un manque de confiance comme frein majeur à l’entrepreneuriat. Le syndrome de l’imposteur, ressenti même face à des réussites tangibles, est particulièrement répandu. 58 % des femmes entrepreneures se disent concernées selon une étude du CESE.

Cette autocensure les pousse souvent à fixer des tarifs plus bas, à éviter certains secteurs ou à ne pas postuler à des aides ou des appels d’offres pourtant à leur portée.

Le sexisme et le manque de reconnaissance

22 % des cheffes d’entreprise disent avoir été confrontées à des difficultés liées au fait d’être une femme. Les manifestations sont diverses : préjugés, manque de légitimité perçue, absence de soutien de l’entourage, commentaires sexistes de clients ou partenaires.

Des dispositifs d’accompagnement qui se renforcent

Plusieurs initiatives ont vu le jour pour accompagner les femmes :

  • La garantie ÉGALITÉ Femmes de France Active
  • Les prêts d’honneur de Réseau Entreprendre
  • Des formations accessibles via le CPF
  • Des accompagnements personnalisés via des réseaux comme Les Premières ou Femmes des Territoires

Des plateformes comme Elleboss ou Mampreneures proposent également du mentorat, du coworking avec garde d’enfants ou du réseautage ciblé.

Les nouveaux leviers à saisir : digitalisation et plateformes

Les plateformes de freelance (Malt, Upwork), de vente (Etsy, Vinted) et les outils numériques permettent aujourd’hui à des milliers de femmes de monétiser leurs compétences ou créations. En 2024, 43 % des freelances en France sont des femmes, une proportion en constante hausse.

La digitalisation facilite l’accès à de nouveaux marchés, mais impose aussi une spécialisation, une stratégie tarifaire solide et une capacité à se différencier.

Vers une économie plus inclusive

À horizon 2030, les scénarios sont multiples. Une meilleure représentation des femmes dans des secteurs à fort potentiel économique comme la tech, la santé numérique ou la transition écologique pourrait réduire les écarts de revenus et renforcer leur visibilité.

Des politiques publiques ambitieuses (incitations fiscales, programmes de formation ciblés, lutte contre les stéréotypes) seront nécessaires pour favoriser l’égalité réelle.

L’auto-entrepreneuriat attire toujours plus de femmes en France. Il offre une porte d’entrée accessible vers l’indépendance professionnelle, mais n’efface pas les disparités de genre bien ancrées. Revenus plus faibles, accès limité au financement, charge mentale élevée : autant de défis à surmonter.

Soutenir l’entrepreneuriat féminin, c’est permettre à des milliers de femmes de concrétiser leur projet, valoriser leurs compétences et renforcer la résilience économique du pays. À condition que les dispositifs d’aide, les mentalités et les modèles d’accompagnement évoluent au même rythme que leur ambition.